Dans un procès civil, une expertise amiable même en présence de toutes les parties, ne suffit pas

Un rapport d’expertise amiable ne peut être la seule preuve que va retenir un juge, même si toutes les parties ont assisté à l’expertise. C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation dans l’arrêt rendu par la troisième chambre civile le 14 mai 2020.

C’est un principe déjà acquis que rappelle la Cour de Cassation, l’expertise amiable n’est qu’un commencement de preuve et permet de solliciter une expertise judiciaire.

Le client d’une entreprise refuse de payer les travaux de réfection d’un escalier. Le chantier s’arrête. L’assureur de l’entreprise fait réaliser une expertise amiable en présence de l’entreprise et du client qui conclut à l’absence de malfaçons. À son tour, le client fait réaliser une nouvelle expertise en présence de l’entreprise et de son assureur et qui conclut à la reprise des travaux. Le Tribunal d’instance de Dijon saisi par le client condamne l’entreprise à supporter le coût des travaux en se fondant exclusivement sur le rapport déposé par l’expert missionné par le client.

La Cour de cassation casse et annule le jugement rendu en rappelant que dans le procès civil, le juge doit faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction, principe fondamental. Elle ajoute que le juge ne peut rendre sa décision sur la seule expertise d’un technicien choisi par l’une des parties même si celle-ci s’est réalisée en présence de tous et ce en application de l’article 16 du code de procédure civile :

« Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations
 »

Réponse de la cour :

Aux termes de ce texte, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, peu important qu’elle l’ait été en présence de celles-ci.

En statuant ainsi, le tribunal, qui s’est fondé exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix, peu important que la partie adverse y ait été régulièrement appelée, a violé le texte susvisé.

Rappelons que dans le cadre d’une expertise judiciaire, un juge est désigné pour suive les opérations, les parties peuvent déposer des dires, l’expert rend son rapport définitif après avoir répondu à l’ensemble des allégations des parties, et une fois le rapport déposé, les parties peuvent encore s’opposer à la validation du rapport, solliciter une contre-expertise, d’où un véritable débat contradictoire devant le juge, c’est le principe même du contradictoire, un fondement essentiel d’un procès équitable.