En application de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Enfin, en vertu de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Dans le cadre du harcèlement moral, le burn out qui se traduit par un « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel est maintenant de manière incontestable admis comme la conséquence d’un harcèlement moral justifiant la mise en jeu de la responsabilité de l’employeur.
Alors que le BORE OUT qui est Le syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui est un trouble psychologique qui engendre des maladies physiques et qui est déclenché par le manque de travail, l’ennui et, par conséquent, l’absence de satisfaction dans le cadre professionnel, ce que l’on appelle communément « la mise au placard » est peu utilisé en France comme moyen justifiant le harcèlement, or, la Cour d’Appel de Paris vient enfin de reconnaitre le BORE OUT comme un véritable harcèlement justifiant la condamnation de l’employeur à réparer le préjudice causé à son salarié.
En pratique, le salarié victime de BURN OUT ou de BORE OUT peut négocier son départ de l’entreprise via une négociation et le paiement de dommages et intérêts.
Dans le cas soumis à la Cour d’Appel le salarié a été licencié pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif dans les termes suivants :
« Pendant votre absence, nous avons demandé à plusieurs de nos services de s’occuper des missions qui vous étaient confiées.
Cette solution temporaire, compte tenu de l’importance de vos fonctions, ne peut plus durer car votre absence prolongée a provoqué d’importantes perturbations auxquelles nous devons mettre un terme.
Nous devons donc procéder à votre remplacement définitif à votre poste ».
Le salarié contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, a porté son affaire devant le conseil des prud’hommes, puis sur appel de l’employeur, la Cour de Paris a eu ainsi l’occasion de fixer les termes du débat.
Le salarié fait la démonstration de :
— une pratique de mise à l’écart à son égard, caractérisée par le fait d’avoir été maintenu pendant les dernières années de sa relation de travail sans se voir confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles ;
— le fait d’avoir été affecté à des travaux subalternes relevant de fonctions d’homme à tout faire ou de concierge privé au service des dirigeants de l’entreprise ;
— la dégradation de ses conditions de travail, de son avenir professionnel et de sa santé du fait de ces agissements.
— le bore-out (opposé du burn-out) auquel il a été confronté faute de tâches à accomplir.
— le fait que le harcèlement s’est poursuivi après la rupture du contrat et après le jugement rendu puisque l’employeur dans la presse ou les réseaux sociaux l’accusé d’être un maitre-chanteur ou un imposteur.
Le salarié a pu verser aux débats des attestations de salariés attestant de sa mise à l’écart évoquant des pratiques qu’il aurait dénoncées « Il me demandait très régulièrement si je n’avais pas du travail à lui confier pour qu’il se sente utile et utilise ses compétences comme on aurait dû les utiliser. Il a été mis à l’écart, utilisé et mis dans un placard pour qu’on l’empêche de mettre son nez …… ». J’ai vu «sombrer petit à petit dans un état dépressif, au fur et à mesure qu’il se trouvait placardisé » évoquant lui aussi que ce dernier aurait été isolé pour avoir voulu dénoncer un abus de biens sociaux, qu’il s’est dès lors vu retirer « ces fonctions de coordinateur …… et qu’il n’a plus eu la possibilité d’organiser les séminaires des différents départements »
Il est démontré aussi qu’il a été chargé d’effectuer des menus dépannages ou courses pour le compte des dirigeants de l’entreprise, ce dont il s’est acquitté et que le salarié en était réduit « sur ses heures de bureau à configurer l’Ipad du PDG, à s’occuper de la réparation de la centrale vapeur ou se rendait à son domicile pour accueillir le plombier ».
Le salarié a pu prouver son état dépressif et surtout que cette situation lui a déclenché une maladie grave.
L’employeur de son coté était dans l’impossibilité de démontrer la réalité des tâches qui lui étaient confiées.
Dès lors, lorsque l’absence prolongée d’un salarié est la conséquence d’une altération de son état de santé consécutive au harcèlement moral dont il a été l’objet, l’employeur ne peut, pour le licencier, se prévaloir du fait qu’une telle absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise. Le licenciement est dès lors nul.
Ainsi l’employeur a été condamné à :
— 5.000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
— 35.000 euros de dommages-intérêts au titre du licenciement nul.
Cette décision est une terrible avancée pour le monde du travail, les cas de cadres qui sont mis sur la touche tout en percevant leur salaire sont de plus en plus nombreux, ces situations ne doivent pas être subies sachant qu’il est de plus en plus admis que les maladies les plus graves peuvent être développées à la suite d’un harcèlement, de stress, de choc émotionnel.